Intime création

Trouble et intensité sont les deux mots qui me traversent en ce moment. Le trouble charrie multiples émotions et me tétanise un peu, je dois bien l'avouer. L'intensité se plante au milieu de mon ventre et le fait réagir. Lorsque j'ai commencé ce blog je savais que j'allais plonger dans l'intime, pas seulement, mais en grande partie. Je n'avais jamais fait cela auparavant. Je suis comédienne,  metteuse en scène, autrice dramaturgique, je me mets au service d'histoires et de personnages, qui ne sont pas les miennes et qui ne sont pas moi. Je ne me raconte pas, je ne me fictionne pas, comme l'a fait Collette dans ses écrits. Ce blog m'a doucement amené à cela, travailler sur mon vécu, l'écrire, le transformer un peu, le transcender parfois. Et me voilà plongée dans la création d'un spectacle où mon vécu d'enfant, d'adolescente puis de femme, va être mis en lumière, accompagné d'autrices qui m'ont façonnée tout au long du chemin, et qui ont joué un rôle majeur dans ma construction de femme toujours vivante en 2023. Spectacle porté aussi par une complice musicienne Audrey Gareste, dont j'aime la poésie, l'écoute sensible et intelligente Je vais me raconter et vous  faire découvrir ces autrices ou les réentendre, pour celles et ceux qui les connaissent. C'est une grande première pour moi, être le centre d'une histoire, la mienne, sans filtre, sans incarner une autre que moi. Etre au centre d'une période historique majeure, la naissance des divers mouvements féministes des années 1970 (il n'y a pas eu que le MLF). Créer ce spectacle me semble une évidence, cette évidence semble relayée par mes proches et pourtant je n'ai jamais eu autant le trac...  Les "Et si" sont légions et se bousculent au portillons de mes pensées, en pleine effervescence. Et si, cela n'avait aucun intérêt ma petite vie de femme lambda ? Et si, je ne trouve pas la forme adéquate pour porter le fond de ce spectacle ? Et si, je n'arrive pas à écrire mon vécu comme "il faut" ? Et si, je joue comme une patate, parce que justement je n'ai pas trouvé la bonne distance, le bon vecteur de jeu afin de délivrer cette histoire à la fois personnelle et marquant un moment essentiel de l'Histoire et de nos histoires de femmes en devenir ? On a toujours le trac lorsque l'on entre en création, toujours cette peur cachée de l'échec pas si loin d'exploser à tout moment. On la contient, on l'apprivoise, on la détricote sans fin pour qu'elle ne nous étouffe pas. On avance, on y croit, seule dans sa chambre, ou à plusieur-e-s sur le plateau. Aujourd'hui, je suis plus tremblante qu'à mes débuts, j'avance et je recule comme une louve en cage, et comme la louve je ne lâche rien de ma détermination. Je suis dans la quête farouche de l'absolue nécessité de ne pas m'égarer.  Lorsque je vais ouvrir la porte de cette cage pour entrer en scène, le doute et les "Et si," devront se taire définitivement, le temps de la représentation et pour cela mes cailloux, ceux sur lesquels je vais devoir bondir tout le long de la représentations devront être solides, en place et plus que fiables. C'est une rivière que je vais créer, un ruisseau pour le début de cette histoire, une rivière ensuite, puis un fleuve coulant tumultueux vers la mer.  C'est mon vécu qui vous sera offert, mon vécu et leurs mots à elles mes guérillières ( Les guérillières / titre d'un texte de Monique Wittig), leurs verbes, leurs textes poétiques, politiques, sociologiques. J'en tremble comme une feuille... 

Le 04 février 2023. Voilà pourquoi en ce moment je suis moins présente sur mon blog...