À propos

Cécile Aziliz, une femme, une artiste, une mère, dans ce monde fou, déraisonnable, impressionnant de violence parfois, bien trop souvent en fait, et pourtant totalement amoureuse de la vie, des humains, de la nature et des rêves nocturnes vécus par des milliards de dormeuses et dormeurs. Quand les humains dorment et rêvent, la mort, qu'ils perpétuent sans fin, s'arrête enfin. 

    

Et aussi ... 

Je suis un Cerisier. 

Je suis un cerisier en fleur. Je suis un cerisier au tronc massif, aux branches aériennes  duveteuses. Je suis un cerisier au tronc noir, aux blanches fleurs. J'enfouis mes racines dans la terre. Je les enfouis profondément afin que rien ne me brise. Et pourtant chaque jour qui passe je pense au chêne de la Fontaine déraciné par la tempête. Je m'applique donc afin de me donner la souplesse du roseau qui ploie mais ne rompt point. Mais je reste Cerisier. 

C'est essentiel.                                                                                                                                                              

Un roseau ne peut accueillir personne sous sa ramure, ni prêter sa tige aux dos de ceux qui voudraient s'y poser. Oui, je suis un cerisier, je tente de protéger de mes branches toute une myriade d'êtres créatifs et insolites et de produire des cerises goutteuses et sortant de l'ordinaire. Je fais couler dans mes veines la sève sucrée du cerisier, mon écorce noire respire secrètement et mes fleurs frissonnent doucement sous la pulsation de cette respiration régulière et profonde. Chaque fois qu'il m'est nécessaire je convoque toute ma force de cerisier. Mes pieds d'humaine me semblent décidément trop souvent légers, trop petits aussi, pas de prise au sol, ni d'assise réelle face au vent mauvais de la dure réalité de mon métier. Il me faudrait sûrement de plus grands pieds et des burnes aussi, ma voix serait alors plus grave et plus écoutée, plus respectée sûrement, je crois. Mais comme je n'ai ni l'un ni l'autre, j'ai choisi d'être un Cerisier. Mon identité sexuelle disparaît et laisse sa place à une sensation de puissance toute légitime qui m'envahit sans pour autant me décalquer la tête et me faire prendre le melon ! J'oublie enfin l'impitoyable fermeture de ce monde artistique où le pouvoir se conjugue encore majoritairement au masculin. Je suis un jeune cerisier dans la pratique d'être cerisier, mais je  m'impose d'être un cerisier qui a de la carrure ! Il m'en faut une absolument, très intérieure, très solide comme mon tronc noir, massif et rugueux d'arbre prolifique, car je ne veux pas céder à cette terrible vérité : je ne suis rien aux yeux de ceux qui ont le pouvoir d'ouvrir les portes de leur Cerisaie très fermée. Depuis 5 ans maintenant je cherche ces Cerisaies capables d'accueillir la troupe de fauves, d'oiseaux et d'insectes merveilleux vivant dans mes branches, butinant mes fleurs, veillant à la bonne pollinisation de celles-ci afin que nos cerises soient excellentes ! Ou est-il ce jardin rêvé, accueillant, familier ? Mes racines en frémissent d'avance, et mes branches se tendent inlassablement vers ce rêve inaccessible et pourtant si proche. Je suis un cerisier vaillant, inventif et pugnace. Je suis un cerisier se balançant dans le mauvais temps la tête haute coiffée de fleurs tel des flocons blancs et odorants s'envolant, virevoltant, vous effleurant le nez de leurs effluves nacrés et sucrés. Je suis un cerisier bien accompagné d'oiseaux multicolores, d'insectes protéiformes, de chattes et chats de gouttière bien installés confortablement sur mes branches accueillantes, prêts à bondir, virevolter, danser, chanter et jouer pour vous éblouir, vous réjouir, vous émouvoir, vous déranger, vous secouer, vous interpeller et vous embarquer à l'ombre traversée de lumière de tous ces mots cachés dans les feuilles vertes et riches d'histoires de mon cerisier. Je suis un cerisier qui n'a pas envie de crever perdu au milieu de nul part, par manque d'eau et qui puise profond, à la source de tout, sa force, sa résistance lumineuse. Je suis un cerisier utopiste croyant encore à une valeur fondamentale mais obsolète : L'AMOUR ni dominant ni dominé ! Et je vous attends, je vous attends avec l'envie d'y croire encore et toujours. Il suffit parfois d'une rencontre, une seule et ...

Cécile Aziliz. (2009)