Bel Âme

06/03/2021

 Il y a des êtres qui vous manque terriblement. Ils entrent dans votre vie toute en douceur et en ressortent un jour , afin de prendre le large, de vivre leur vie, de respirer ailleurs par nécessité vitale. Ils laissent alors derrière eux, comme un vide immense. Bel Âme fait partie de ces êtres essentiels qui ont croisé-e-s ma route et embellit mon chemin de vie. Il est entré dans celle-ci timidement, discrètement., un long jeune homme brun, de 16 ans, silencieux, presque effacé, mais possédant déjà une présence toute particulière. Il fait parti de ces êtres, dont on dit, d'ailleurs, qu'ils ont de la présence, on ne peut pas ne pas les voir, aussi discrets et secrets soient-ils. Il est entré sans faire de bruit par la porte des adolescents fréquentant la maison. J'avais alors le rôle de mère, celle qui accueille, écoute, regarde, tente de se faire légère et aimante. J'étais bien loin de m'imaginer, que ce tout jeune homme deviendrait quelques années plus tard, un partenaire artistique unique d'une richesse insoupçonné et dans le même temps mon ange gardien. Bel âme est une vieille âme, j'en suis sûre. Il y a chez lui une sagesse sombre, mélancolique, intense qui vient d'un autre temps. Et cette sagesse là, toute particulière, se heurte sans fin à sa jeunesse tourmentée, qui à été maltraitée, bafouée. Notre vraie rencontre, d'humaine à humain et non plus d'adulte à adolescent, s'est faite sur ce territoire là , la découverte de sa vie personnelle, si violente, âpre et destructrice. La découverte aussi, de sa force de soleil noir, de pilier familiale, de fils et frère aîné, solide, aimant et accompagnant sans cesse les siens, au sein de ce bourbier révélé. Notre rencontre si particulière s'est faite lors ces journées déflagrantes, si précises en ma mémoire. Notre lien s'est créé en ces instants, si intensément partagés , nous avons quitté le territoire de l'âge qui bien souvent sépare et hiérarchise. Nous nous sommes vus , je crois, sûrement reconnus. Qu'importe alors l'âge, le sexe, d'où l'on vient, où l'on va , la rencontre s'opère, ce qui se met en place, au-delà de nous, n'est pas descriptible, et nous dépasse totalement. Bel Âme est devenu un partenaire de vie et un complice artistique précieux. Oui, c'est vrai que je suis devenu sa « prof », lui transmettant le plus de technicité possible, afin qu'il puisse mettre en œuvre toutes ses capacités. Oui, c'est vrai que la société quoi qu'il arrive, nous replaçait sans cesse dans cette différence d'âge et d'expérience. Mais Bel Âme écrit magnifiquement et ce n'est pas moi qui lui ai appris. Il dessine aussi, forge, invente, construit de ses mains quantité de bels ouvrages et ce n'est pas moi qui lui ai appris. Il a un regard unique, sensible, pointu, intelligent sur les œuvres artistiques qu'il découvre ou désire creuser et comprendre. Il a tant de cordes à son arc, qu'il s'est perdu, et je n étais plus en capacité de l'aider. Nous étions, tous deux, à cette période là de nos vies, laminés, écrasés de fatigue, vide de notre substance artistique et vitale, nous avions tous les deux, tout donné tant sur le plan professionnel, que sur le plan familiale ou affectif. Il est parti et moi , je me suis mise en veilleuse durant une année entière , le temps qu'il a fallu, pour me poser un peu et me retrouver. Tourner, enfin, la page de trois années de vie anxiogène, au rythme frénétique, durant lesquels, il était devenu mon ange gardien. Même si cela paraît fou, c'est le hasard, les circonstances -et non pas une volonté farouche de nous retrouver embarqués tous les deux dans ces moments là, où nos vies respectives ont basculées- qui nous ont à chaque fois réunis, comme si il nous fallait traverser ces chocs et toutes ces épreuves ensemble. Je remercie infiniment, la vie, le hasard, et les circonstances, de m'avoir offert ces cadeaux inestimables : sa force douce et bienveillante, sa sombre mélancolie, son humour tranchant et vif, son génie artistique et toute sa beauté d'être humain. Il est parti et chaque jour, j'espère qu'il construit sa vie afin de ne plus seulement survivre dans les souffrances de son soleil noir. J'espère qu'il continue d'écrire, de dessiner, de construire et d'inventer de beaux ouvrages. Il me manque, mais qu'importe, je l'aime.

Lumineuses salutations.

Cil le 23 août 2020.