Je dis ça ... je dis rien ...

13/05/2023

Je dis ça, je dis rien... Une journaliste du Figaro, il me semble, attribue la libération des femmes aux antibiotiques, à l'aspirateur et autres progrès technologiques et non pas aux mouvements féministes. Je suis née en 1965, lorsque je regarde les photos de l'époque notre appartement était parfait de modernité pour ces années là. Notre famille était la petite famille idéale de ces années là, je l'ai déjà écrit, nous aurions pu tourner dans les jolies pubs en tant que très jolie famille traditionnelle des années 50/60. Un joli modèle patriarcal. Un seul hic au tableau : trois enfants, parfait, idéal ! Oups que des filles, dommage. Ma mère était une gentille femme au foyer qui en 1960 devait demander l'autorisation à son mari pour pouvoir travailler, qui n'avait pas le droit d'avoir son compte en banque et pour qui l'avortement était illégal et donc considéré comme un crime. Elle n'a aucunement choisi d'avoir ses deux premières filles, par chance elle a pu faire une pause pour moi grâce à la contraception (un diaphragme à l'époque) et comme il n'y avait pas encore de garçon à la maison sa troisième grossesse fut fortement sollicitée afin de laisser une chance à la vie de clôturer le tableau familial en beauté, raté je suis bien née fille. Et pourtant il y avait à la maison un aspirateur, une machine à laver et des tas d'autres trucs très émancipateurs selon la dite journaliste et nous étions soignées par les antibiotiques. En 1970 elle a repris ses études et pour le plus grand salut de ses trois filles elle a rejoint le mouvement féministe ! Désolée madame, ce ne sont pas l'aspirateur, la machine à laver, ni les antibiotiques qui m'ont permis de vivre ma vie de jeune femme libre des années 1980. Si ma mère ne s'était pas réveillée, si elle n'avait pas chamboulé totalement notre éducation, si elle ne nous avait pas ouvert les portes en grand, celles qui nous ont permis de nous rêver autrement que femmes au foyer avec juste un petit boulot subalterne d'appoint aux revenus familiaux, mes sœurs et moi n'aurions jamais osé nous battre pour vivre la vie de notre choix en tant que femmes libres et autonomes. Et même si j'en chie grave en ce moment car je n'ai pas choisi un chemin confortable, que la liberté et l'autonomie ont parfois un prix à payer, que les choix que j'ai fait ne m'ont pas déroulé le tapis rouge, je sais que : si la libre penseuse que je suis existe c'est aux combats de ma mère que je le dois et non à son aspirateur qui ne lui a jamais offert sa liberté. Sa liberté elle a été la chercher ailleurs qu'au sein de son foyer tout confort. Je l'ai vu enfermée au sein d'une maison toute de progrès ornée ! Elle a tout explosé pour nous offrir la liberté d'être ce que nous rêvions d'être et non pas ce que nous devions être ! Nous sommes dans une société où la technologie fait des pas de géant, l'IA par exemple, et pourtant de grandes dictatures pérennes pourrait s'installer tranquilles grâce à elle. Alors ce truc du progrès émancipateur laissez moi rire... Le progrès est ce que l'on en fait et ce que l'on en fait dépend de notre point de vue sur le monde sur les autres sur la liberté et sur la nature ( vous savez celle que l'on détruit vitesse grand V parce qu'aujourd'hui le progrès n'est pas pensé pour la préserver ou la sauver, mais l'exploiter au maximum ... ) C'est notre libre arbitre éveillé ou endormi, libre ou soumis qui change bien souvent la donne... Merci maman de tout mon cœur, l'émancipatrice ce fut toi et toutes les femmes qui en 1970 ont mené un combat de titans ! Ce combat avait commencé bien avant les aspirateurs et les antibiotiques, et il continue aujourd'hui ! On patauge toujours allègrement dans cette vision du monde dominant dominé avec comme moyen d'échange l'argent et perso je pense que cette vision là du monde nous mène tout droit à notre perte. Enfin quelques uns-unes sauveront sûrement leurs miches parce qu'iles auront nourri allègrement le monstre.

Mai 2023