Le dixième anniversaire de ta mort et ma petite mère.

26/10/2025

Dixième anniversaire. Neuf années sont définitivement passées. Entre temps, en février 2024 ma petite mère est morte et elle a réussi ce tour de force: que tu ne sois plus le centre du motif, que ton absence et ton acte suicidaire impitoyable, cruel, traumatique pour tous les êtres qui t'ont aimé ne prennent plus toute la place à l'intérieur de mon corps, de mon âme, de mon cœur, que ma douleur s'estompe enfin, que les choses se rééquilibrent, qu'un amour sain, le sien, prennent ses quartiers et remettent les choses à l'endroit. Tu n'es plus mon deuil principal, tourmenté, écrasant et destructeur. Le deuil de ma mère, doux, tendre et solaire, oui solaire, (c'est étrange n'est-ce pas ?), le deuil de ma mère a remis des couleurs chaudes sur ma toile de vie que tu as barbouillée de noir, de sang et de bile. Son amour indéfectible, tendre, salvateur m'a enveloppé toute entière et m'a rappelé les fondamentaux de l'amour justement. Ils ne ressemble en rien à ce que tu nous as fait vivre. En rien, ils sont tout à l'opposé. Elle est là ma mère, elle a pris sa place et a clôturé un deuil interminable et mortifère. Elle rayonne de toute sa force, c'est elle le centre du motif aujourd'hui et le fait qu'elle me manque me sauve. C'est très étrange comme sensation, sa mort, m'a remis au monde une deuxième fois.
Ma petite mère avait très peur la dernière année de sa vie de finir en grande déchéance physique. C'est quelque chose qui la travaillait depuis longtemps et nous en avions parlé très sérieusement. Je lui avais promis de l'emmener en Belgique ou en Suisse afin de ne pas la laisser décliner lentement, mais de lui offrir la mort qu'elle désirait. La vie a fait son boulot, son corps était entrain de la lâcher son cœur devenu fragile s'est arrêté. Ne pas avoir pu être à ses côtés lorsque s'est arrivé, fut un véritable déchirement pour nous trois, ses filles. Notre chagrin fut immense. Et dans le même temps, la raison chuchote à l'oreille que c'est exactement cela que ma mère souhaitait, partir avant que tout ne se déglingue vraiment. Une semaine avant, elle allait mieux et l'on sentait de nouveau un peu de joie dans sa voix. Mon inquiétude pour ma mère s'est tu, elle n'a effectivement plus de raison d'être puisqu'Elle n'est plus. Cette inquiétude n'étant plus, ma mère rayonne en moi pleinement, dans toute sa force de mère aimante. Je suis sa petite dernière de nouveau, je suis au creux de ses bras chauds, de son rire, de son humour salvateur, ma mère à l'intérieur de moi est en grande forme et elle te tient à distance. Comme cela fait du bien. Elle me rend à moi même. Elle me libère enfin du poids énorme de ton deuil interminable. Je suis sous son regard qui me connait par cœur et qui me rend ma joie, mon appétit de vivre, ma confiance en moi. Ma mère et nos discussions incroyables... Me voila redevenue la jeune femme que j'étais, pleine de doutes, il en faut pour avancer et créer, mais avec une force de vie profonde et flamboyante. Elle m'a rendu ma flamboyance intérieure, celle que tu m'as arrachée violemment et dont tu m'as privée toutes ses années.
Bientôt les dates anniversaires celle de ton suicide et celle de ton enterrement, le jour de ma naissance, le 09 novembre. Et cette année sera différente, ces dates là ne m'anéantiront plus. C'est terminé, fini ! Ma mère a accouché de moi le 9 novembre et c'est cela dont je me souviendrai, du premier jour de notre relation mère fille puis de la rencontre avec mes deux sœurs aînées. Elles trois, sont ma force de vie. Toi tu as décidé de t'anéantir et donc de nous anéantir, mais cette époque là est définitivement révolue. Oui, tu me manques, et toujours tu me manqueras, mais tu n'es plus le centre du motif. Ma mère solaire m'enveloppe toute entière et me protège, lorsque tu t'approches plein de reproches, de rancune, de violences intérieures injustifiée, alcoolisé comme lors de ta dernière année de vie, elle te colle une beigne, c'est une petite ourse, ma mère, faut pas la chercher, elle te tient à distance, et marque son territoire . Elle me protège ma mère, là où elle est, elle peut enfin le faire. A l'intérieur de moi elle s'est confortablement installée et je l'ai laissé faire, soulagée.