LES PLACARDS / Episode 21

13/08/2021

- On y va ? Tout est prêt.

Silence.

- T'as le trac ?

Silence

- C'est normal, tu sais . Je l'ai aussi. Je n'arrête pas de pisser depuis ce matin. Tu vas voir, tout va bien se passer. Tu vas assurer, c'est certain.

Silence.

- Ca va ?

Silence

- Ce serait cool que tu répondes.

- Tout est vain.

- Pardon ?

- TOUT EST VAIN ! Ca m'angoisse tout ça, ca m'angoisse. Tout est vain, je te dis.

- Ca te reprend ? Tu confines mal ?

- Non, c'est nouveau.

- Quoi ?

- Tout est vain, c'est nouveau, et c'est terrible. Ca m'écrase totalement, absolument, sans concession. Ça écrase sans pitié, Tout est vain. Laisse moi tranquille, tu veux ?

- Je peux faire quelque chose ?

- Je ne crois pas.

- Tu veux que je te raconte une histoire ?

- Non.

- Que je te lise un bouquin, qui ne raconte pas une histoire, mais autre chose ?

- Non

- Tu veux que je chante, et toi tu danses ?

- Non

- Tu veux qu'on hurle, ou qu'on bourdonne ?

- Non

- Tu veux que l'on se fasse une petite ballade en pensée ?

- Non

- Tu veux sortir de ton placard, repartir pendant quelques jours ?

- Non

- Ah , oui, effectivement c'est grave. Ca t'a pris quand ?

- Ce matin à mon réveil. J'avais cette phrase en boucle dans ma tête, et plus le goût de rien.

- C'est bizarre tout de même, tu confines mal, t'angoisses, tu veux sortir, mais t'es jamais à l'arrêt.

- Oui, c'est la première fois que cela m'arrive. Je déteste ça. Laisse moi tranquille, tu veux ?

- Je ne crois pas que ce soit conseillé de te laisser comme ça.

- Parce que tu sais, toi, ce qui est conseillé ?

- Non , pas vraiment, mais je ne le sens pas, de te laissez toute seule face à ce monstre.

- Ca va passer.

- Comment tu le sais, puisque c'est la première fois que cela t'arrive ?

Silence

- Qu'est ce que tu fais ?

- Je suis au lit, je vais dormir.

- D'accord, laisse moi chanter, alors.

Une berceuse russe magnifique s'élève dans le silence.

Lumineuses salutations

Cécile le 14 Avril 2020. Nous savons maintenant que cela va être long. Concrètement encore quatre semaines minimum. Minimum, car cette date de dé-confinement progressif n'a rien d'une date fixée dans le marbre. Je vais bien, mais nous commençons à sentir, l'isolement qui pèse. Et, je connais parfaitement cette petite phrase traîtresse, pour l'avoir affrontée bien des fois. En ce moment je la tiens furieusement à distance.