LES PLACARDS / Episode 28
- On dé-confine bientôt ?
- Je ne sais pas, en fait. Rien n'est vraiment clair dans toutes les informations que j'ai collectées. Oh ! Regarde une étoile filante.
- Oui ! Je la vois ! J'aimerais pouvoir sortir, m'étendre sur l'herbe douce jonchée de marguerites et regarder le ciel , allongé-e, tout à côté de toi.
- Nos têtes sont dehors, c'est déjà un premier pas.
- Même libre, il va falloir que l'on reste à des mètres les unes et les uns des autres. Nous allons être masqué-e-s et ganté-e-s. Nous allons être des espèces d'humains sans peau à l'air libre, sans contact charnel. Même libre nous serons esseulé-e-s.
- On pourra se sourire avec les yeux.
- C'est peu.
- C'est un début de retrouvaille.
- Je n'ai aucune envie que notre confinement perdure et pourtant j'angoisse terriblement à l'idée de reprendre la route des villes en tenue de camouflage anti-virus. Nous allons être pisté-e-s, par notre téléphone, c'est cela ? On ne pourra pas faire un pas et rencontrer quelqu'un sans que les RG le sache ?
- Ne prend pas ton téléphone. Nous sommes immobile et nos téléphones sont avec nous, mais, si on sort on peut laisser nos pisteurs enfermés dans nos placards.
- Ca m'angoisse, tout ça, ça m'angoisse...
- Pour l'instant, on ne sait pas vraiment s'ils nous dé-confine et quand. Ce n'est pas utile de s'en faire une montagne.
- Tu n'anticipes rien, toi, en fait ?
- C'est pas trop mon truc, effectivement. Je préfère vivre le présent, surtout en ce moment. Anticiper quoi ? Ma déroute, ma faillite, ma reconversion forcée ? Franchement je n'en vois pas l'intérêt. Je préfère regarder les étoiles, m'amuser à les compter, tenter de me souvenir de leur nom, on a appris cela lorsque nous étions enfants, Je préfère m'esquinter le corps à creuser ces tunnels insensés qui nous amènent à la forêt, même si pour l'instant nous n'avons pas de grottes où nous réfugier. Je préfère chanter et t'entendre danser, même si je ne peux pas te voir, et que bien sûr, cela me manque, mais je l'imagine, ta danse, et elle m'enchante. Je prends tous ce qu'il y a de beau à prendre, je m'en nourris le plus possible et je laisse le laid à la porte de mon placard. Tu n'as pas sommeil ?
- Non, pas encore. Et toi ?
- Non je suis bien, sous les étoiles, avec ta tête pas si loin que cela de la mienne, je ne te vois pas bien, dans les ombres de cette nuit claire, mais ce n'est pas grave, nous sommes ensemble, malgré tout.
- Tu es mon prozac.
- Je suis quoi ?
- Tu es mon anti-dépressseur, si tu préfères...
Le 28 Avril 2020. Le dé-confinement approche et nous sommes dans un flou artistique total. Je nous souhaite bien du courage.