LES PLACARDS / Episode 34

19/09/2021

 - T'as besoin de quoi ?

- Je croyais que tu ne voulais pas sortir de ton placard ?

- Je ne vais pas loin.

- Comment tu vas faire ?

- J'ai mis mes bottes.

- Cela ne va pas suffire.

- Il y a une barque pas très loin, je l'ai aperçu hier par ma trappe.

- Elle n'est pas à toi, cette barque.

- C'est juste un emprunt, je la ramène, dès que les courses seront finies.

- Tu vas où, faire les courses ?

- A l'épicerie du village, le plus proche.

- Ils n'ont rien là bas.

- Tu exagères. De toute façon, on n'a pas le choix, les livraisons ne peuvent plus se faire. Il faut que l'on mange.

- Et qui te dis que le village n'est pas dans l'eau, lui aussi ?

- Sûrement, mais je vais bien trouver des gens, qui m'aideront si l'épicerie est fermée.

- Prends comme pour toi.

- Il ne te manque rien en particulier ?

- Si, du sel.

- Si je nous trouve une douceur, genre pâtisserie, qu'est que te ferais plaisir ?

- Parce que tu crois que la boulangerie sera ouverte ?

- Et pourquoi pas ?

- Tu rêves !

- Tu sais bien que c'est mon activité préférée, rêver.

- Après la pandémie et le confinement, la montée des eaux ! Tu parles d'un rêve .

- La pandémie sommeille, rien n'est fini, rien n'est réglé, à tout prendre je préfère cette montée des eaux, elle nous oblige, à ne pas repartir dans un rythme effréné, et pour l'instant elle n'a provoquée aucune mort. De plus, je trouve notre paysage environnant absolument époustouflant.

- Oui, je sais, d'une rare beauté. Il n'empêche, qu'il fait un froid de canard en plein moi de mai , je me les gèle littéralement, et tout compte fait, nous sommes de nouveau confiné dans nos placards, ma liberté de mouvement m'étant de nouveau volée, cette fois, par la nature elle-même. Remarque un virus, c'est la nature aussi, non ?

- Je ne saurais pas te dire dans quel catégorie sont classés les virus, naturels ou pas ? Tu ne veux vraiment pas venir avec moi ? Cela te réchaufferait , une grande ballade.

- Non, merci toute cette eau à perte de vue, ça m'angoisse terriblement.

- Comme tu veux, fait toi un bon thé chaud, à tout à l'heure.

Silence.

- Tu es encore là ? Je veux bien que tu me reprennes du thé !

Silence.

- Trop tard. Ca m'angoisse, tout ça, ça m'angoisse...

Le 14 mai 2020. La sensation de dé-confinement ne me semble absolument pas réelle. Mon fils n'est toujours pas retourné au Creps et Lycée, mes activités rémunérées d'artistes n'ont toujours pas reprises. Si, je sors sans attestation signée, c'est un petit plus, notable et très agréable. Comme nous le disions, pour nous le confinement perdure. Je crois que j'aurais aimé que le monde ne s'emballe pas de nouveau, mais c'est hélas un souhait utopiste, à souhait justement... Et, oui ça caille !