LES PLACARDS / Episode 45

 - Pourquoi tout ce silence ?

- Parce que je n'arrive plus à parler ...

- Tu manges tout de même ?

- Non.

- J'ai pris soin des chevaux, ils sont à l'abri et nourrit.

- C'est bien.

- On partira un jour, c'est sûr.

- Je ne le pense pas, toutes les frontières, sont fermées.

- On se débrouillera.

Silence.

- Je suis vide, totalement vide...

- C'est normal, tu ne manges rien et tu restes dans ton placard , dans le noir, jour et nuit. Ce n'est pas sain. Sors un peu, on en a encore le droit.

- Pourquoi faire ?

- Mais prendre l'air, voir la lumière, te remplir un peu, justement, de la beauté du monde. Tes arbres aux couleurs de l'automne resplendissent.

- J'ai pas envie.

- De quoi as-tu envie ?

- D'une autre société, d'un autre monde et c'est irréalisable...

- Tout de suite les grand mots, les grandes idées... Tu ne veux pas te faire des crêpes tout simplement ?

- J'ai pas faim.

- Tu veux crever dans ton placard, vite fait bien fait, c'est ça ?

- Peut-être...

- Tu bois encore ?

- Oui, bien sûr.

- Arrête de boire, ça ira plus vite.

- Tu as raison, je n'y avais pas pensé.

- C'est une sacré solution, ça , bien radicale, exactement ce qu'il nous faut pour sauver ce monde ! On devrait toutes et tous crever, c'est une bonne idée. Extinction des feux pour tout le monde, et zou fini les conneries, les angoisses, la planète pourrait enfin respirer, sans nous.

- Exactement, tu vois c'est pas compliqué.

- On arrête deux secondes de dire des conneries.

- C'est toi qui a besoin de parler. Moi j'aimerais bien me taire à jamais.

- Je suis juste devant ta porte de placard, ouvre moi !

- Rentre dans le tien, Mister drone va arriver et la cavalerie va suivre, sécurité globale oblige !On est piégés, je te dis. Pas la peine d'insister.

- Ouvre moi cette porte ! Il est hors de question que je te laisse mourir sous prétexte qu'une dictature nous mette à mal ! Tout cela m'angoisse, me déprime, me mine terriblement, me remue de fond en comble, mais nous allons vivre, tu m'entends ! Il est hors de question qu'ils gagnent. Tu as pensé à tes enfants ?

- Je t'interdit de me prendre par les sentiments !

- Je te t'attrape comme je peux. Tu as pensé à eux ?

- J'y pense tous les jours.

- Ouvre moi cette porte !

- D'accord ...

La porte s'ouvre...

Le 27 Novembre 2020. Nous vivons un confinement en demi teinte extrêmement perturbant et démoralisant et dans le même temps la mise en place brutale d'un état fasciste. Tant de lois indignes sont entrain de passer, tant de violence policière sont actées, tant de discours atroces sont prononcés, d'actes meurtriers impardonnables perpétrer, de suicides avérés. Et la joie, et l'amour, la tendresse, la bienveillance dans tout cela ? Balayés d'un revers de manche, d'un coup de matraque, d'un coup de poignard ... Du coup nous ne sommes plus que colères et véhémences ou angoisses ! Et la joie, et l'amour, la tendresse, la bienveillance dans tout cela ? Pour l'instant écrabouillés, littéralement écrabouillés !