LES PLACARDS / Episode 46

 - Tu y mets vraiment tout ton poids ?

Silence ...

- Mais pousse, je te dis, pousse plus fort !

Silence

- Stop !

Silence

- On recommence, plus doucement...

Silence

- Attends, attends ! S'il te plaît, ne pousses plus ! Il s'est est enfoncé dans mon nez ! Ohlàlà, ça fait mal... Tu peux le tirer un peu en arrière ? Voilà comme cela c'est parfait. C'est pas vrai, j'ai le nez qui saigne ... Attends, attends, il faut que je trouve du coton... Tu peux le tirer vers toi, encore un peu, vers l'extérieur ? Je suis totalement emmêlé-e dedans.

- On peut aussi le laisser dehors, il ne rentrera jamais. Il est bien trop grand.

- Jamais ! Je veux que mon placard sente bon et qu'il soit festif.

- Il est trop grand, il ne rentre pas, à part ses branches dans tes narines.

- C'est toi qui l'a choisi.

- Oui, parce que je le trouvais beau. Mais je ne pensais pas que tu le voulais dans ton placard.

- Tu m'as dit que tu ne voulais pas fêter Noël, que Noël t'ennuie, que c'est une fête devenue consumériste, que sans enfants cela n'a aucun intérêt, je n'allais pas le laisser dehors entre nos deux placards... Mais qu'est ce que tu fait ? Il n'a pas bougé d'un iota.

- Il est coincé. J'ai beau tirer, il ne bouge plus.

- Non, tu te moques là ?

- Pas du tout. J'ai beau tirer de toutes mes forces, il ne bouge plus, il est bloqué. Du coup, lorsque je tire dessus ton placard a tendance à venir aussi.

- C'est une blague ?

- J'aimerais bien, mais non, pas du tout ...

- Qu'est-ce qu'on peut faire ?

- Il va falloir le scier en plusieurs morceaux.

- Ce n'est pas possible cela ?

- Tu peux sortir, toi ?

- Non, je suis totalement imbriqué-e à l'intérieur.

- Bon, je vais chercher la scie.

- On ne peut pas, on peut pas le sacrifier ainsi...

- On fera un feu de camp, ça sentira bon tout de même.

- C'est interdit, tu le sais bien, les feux de camps, nous n'avons plus le droit d'en faire.

- Mais oui, suis-je bête... Comment ai-je pu penser que nous avions encore le droit de faire des feux de joie sous les étoiles.

- Tu es sûr-e que nous ne pouvons pas le sortir sans dommage ?

- Je ne sais pas, il est rentré à moitié et du coup je ne vois plus rien en ce qui concerne son imbrication dans ton placard.

- Où avions nous la tête pour imaginer une seule seconde qu'il pouvait rentrer dans mon placard ?

- Dans les étoiles.

Silence.

- Qu'est-ce que l'on fait, du coup ...

- Je crois que je vais dormir avec lui cette nuit. Je ne peux pas le hacher menu dès ce soir. Rien que l'idée de le transformer en bûche, m'angoisse.

- Tu ne vas pas avoir froid ?

- Non, il me tient chaud.

- Douce nuit, alors... A demain.

- A demain.

Le 23 décembre 2020. Noël en solitaire... J'aime pas Noêl mais là c'est rude, nos convivialités sont mise à mal, sans cesse. Ah ! Si on a le droit d'aller à la messe, mais plus aux spectacles, plus aux restos ! Prions mes sœurs et mes frères prions ! Mais fini la fête et fini la rigolade.