Lettre à Madame Ariane Mnouchkine
A l'attention de Madame Ariane Mnouchkine. Le 14 juin 2024
Madame,
Comment dire ma peine et une forme de colère face à ces déclarations. Comment encore une fois ne pas se sentir exclue de celles et ceux qui se considère comme la Culture française ! Les reconnu-es, les archis subventionnés, le sérail qui prend la parole à notre place les cies de territoires (comme il disent), les invisibles et pourtant celles et ceux qui travaillent depuis des décennies avec les populations en grandes difficultés sociales et financières. Ma première cie je l'ai créé à Stains dans le 93, ma dernière à Mugron en ruralité. Cela fait quarante ans (dans six mois) que je défends l'éducation populaire artistique, que j'y ai consacré une énorme partie de ma vie, que j'ai écouté et échangé avec des milliers de jeunes femmes et jeunes hommes de 6 à 20 ans et plus. Je transmets aussi des valeurs, mon respect pour elles et eux est immense et croyez moi ils et elles le reçoivent. Certains sont toujours présents et présentes dans ma vie depuis des décennies. Je ne suis jamais arrivée en terrain conquis avec l'arrogance d'une artiste qui sait tout. J'ai toujours appris d'elles et d'eux aussi. Et je suis loin d'être la seule, nous sommes nombreuses et nombreux à continuer de faire ce travail de l'ombre, loin des grandes salles reconnues de la Culture française ! Quelle arrogance dans ce texte, quel mépris pour toutes les petites cies du spectacle vivant qui font un boulot de Titans depuis des décennies en ramant même à contre courant et en ne sachant jamais si la cie va tenir ou fermer ses portes. Nous faisons partis des vrais précaires nous aussi, parfois la misère sociale nous touche aussi. J'ai été deux fois au RSA: une fois avec un fils à charge puis plus tard avec deux. Et oui, sur quarante années de bon et loyaux services, deux fois j'ai perdue mes heures, et bien des fois j'ai été ric rac. Et oui, nous ne sommes pas toutes et tous des privilégiés loin de là, les difficultés économiques nous les connaissons nous aussi comme monsieur et madame tout le monde . Je ne me reconnais pas dans ce monde de la Culture française soit disant responsable de la montée des extrêmes droites, je ne fais pas partie de la gauche caviar ! Et effectivement ils et elles devraient sûrement se remettre en question, mais ne nous incluez pas dans votre mea culpa Madame Mnouchkine, s'il vous plaît, et surtout restez humble, il y a des périodes historiques qui nous dépassent, des périodes où les puissants, les avides en tous genres, les fous de pouvoir et d'autorité reviennent en force et alimentent la peur et recréent des formes de misère. Grand 'peur et misère du ... ( B.Brecht) nous sommes en plein dedans et c'est se penser bien surpuissants pour imaginer que vous auriez pu contrer cela Mesdames Messieurs de la Culture Française institutions et artistes reconnus. Bien à vous. Une invisible de la culture française.
Cécile Aziliz.
PS le 16 juin 2024: Petit rappel historique en 2002/ 2003 les intermittents et les précaires se sont unis pour une lutte très puissante et impactante grèves massives, occupations des théâtres, interventions dans les médias et autres actions militantes. Le Collectif intermittents précaires est né. (CIP). La grève à Avignon a été votée et Madame Mnouchkine s'y est opposée à l'époque. La lutte nous connaissons, et le moment venu nous y retournerons. Alors que devons nous faire si le RN passe ? Vous y perdrez sûrement bien des privilèges et nous y perdrons toutes et tous notre liberté d'expression, mais ne venez pas nous donner des leçons quand à la marche à suivre. La culture des sans grades connait bien la chanson des luttes quotidiennes ou à plus large spectre, vous n'avez pas le monopole du théâtre engagé Madame .
Les jours passant, j'ai de plus en plus de mal à encaisser les déclarations de A. Mnouchkine.