Neuvième lettre

27/01/2025

Phil, 

Parfois ma sensation de solitude est immense. Parfois le manque de tes bras autour de moi, de ton sexe en moi est abyssal. Je suis sur le quai d'une gare et je voyage seule depuis ta mort. Mes amours magnifiques font partis du passé. Neuf années où mon corps et mon cœur amoureux sont solitaires, pas d'âme sœur à l'horizon. Tu as tout brûlé sur ton passage. J'ai totalement répondu à ton injonction, je me punis de ton suicide un peu chaque jour. Je n'arrive pas à sortir de cette spirale infernale. Ce n'est pas facile de ne plus être amoureuse. Ce n'est pas facile de rompre avec son père en fin de vie. Ce n'est pas facile de s'inquiéter pour l'avenir de son fils totalement marginal. Ce n'est pas facile de continuer à être créative lorsque l'on se sent vide et impuissante. Ce n'est pas facile de se sentir vivante, forte et généreuse. Parfois je n'ai plus les ressources nécessaires. J'ai beau puiser profondément, je ne trouve plus grand chose à offrir ni à moi même ni aux autres. Un petit creux de vague. Un vague à l'âme récurrent. Un mauvais moment cyclique. Je m'en passerai bien. Mais depuis ta mort, ils sont comme le lierre, très résistants, très persistants, ces moments là. Personne pour l'instant ne réussit à les évincer, ni moi, ni celles et ceux que j'aime. Tu as réussi à me détruire en partie, comme tu désirais le faire... Je suis en partie KO debout. Passive parfois devant l'adversité ce qui, avant ton suicide, n'était jamais le cas. Je me sens happée, engloutie, je n'ai plus envie de me débattre, pour remonter à la surface. Je laisse faire, je disparais un temps du monde, j'aimerais m'oublier entièrement, ne plus avoir de contingences, de compte à rendre, une petite mort en quelque sorte. Une hibernation volontaire même si ce n'est pas l'hiver. Comment m'en défaire, je n'en ai aucune idée. Ce sont des vagues qui reviennent, plus espacées certes mais régulières. Le fantôme de ma petite mère m'en a un peu protégée. Faire son deuil, à elle, a tenu le tien un temps, à distance. Mais voilà que le manque de ton corps amoureux fou revient puissant et dévastateur. Ce manque immense, personne, pour l'instant, ne peut y remédier. Ni les personnes vivantes, ni les mortes. Je suis totalement seule face à ces vagues qui me fracassent et dont il faut que je me relève à chaque fois. Vieillissant mon corps peine de plus en plus à se relever et à faire face la tête haute, l'âme joyeuse. La peine, la tristesse et la perte squattent sans vergogne mon corps et mon cœur esseulés, reléguant la joie dans un coin, isolée et fragile. Je t'en veux et tu t'en fous. Tu es mort.