Oubliés ?
Avez vous oublié ces images de villes immenses et désertes ? Plus une seule voiture sur ces images, plus une seule ! et comme c'est beau. Et le chant des oiseaux que l'on entend de nouveau ? Avez vous oublié toutes ces images prises par nos soins , du lointain de nos fenêtres, d'animaux traversant nos cités vides en toute sécurité ? Pas nos chats ou nos chiens, non, mais les canards, les sangliers, les cerfs et les biches, marchant sans danger sur l'asphalte de nos routes... Et les dauphins dans les canaux de Venise ? Je ne sais pas si c'est vrai mais peu m'importe......Les dauphins rendant à Venise toute sa félicité et lui rendant aussi toute la magie de sa grande beauté dans mes visions imaginaires et sensorielles ... Je n'ai rien oublié . Ces images sont inscrites dans la rétine de mes yeux. Je me souviens parfaitement de cette image, construite de toutes pièces par un artiste, de cachalots ou de baleines volant dans le ciel au dessus de la cité. Elle m'avait littéralement remuée jusqu'aux tripes, elle m'avait émue jusqu'au larmes. Dans ce chaos humain que nous subissions tous, la nature nous offrait ces moments hors du temps, habitait notre réalité et nous redonnait l'envie d'être de grands enfants et de choper le moindre émerveillement, malgré la peur, malgré les grandes difficultés traversées. Je n'oublie pas, non je n'oublie pas les grandes files de gens n'ayant plus à manger (tout particulièrement dans le 93) et les hôpitaux dans la plus grande détresse, manquant de tout et de moyens humains. Je n'oublie pas toutes les familles privées du dernier adieu et de leurs funérailles... Non je n'oublie rien... Mais ...
Avez vous oublié ce film d'un danseur (danse contemporaine) dansant dans la rue juste en bas de chez lui, la musique raisonnant de sa fenêtre ouverte, dansant pour tous les gens de sa rue ? Un moment à couper le souffle... En Espagne je crois. Et en Italie, les musiciens jouant ensemble de balcons à balcons ? Et nos crieurs de nouvelles, nos lecteurs de lettres et de messages dans les cours des immeubles ? Et tout cela hors cadre, hors des règles du jeu, dans la spontanéité absolue et l'investissement poétique de l'instant présent. Pourquoi nous faut-il ces immenses contraintes, ces chapes de plomb, pour que jaillissent alors la beauté pure et gratuite du partage, la libération du poétique et de la création spontanée ? Pour que les cases explosent et se mélangent enfin, un peu. Ce n'est plus chacun et chacune sa fonction, sa mission, sa place , tout cela craquelle légèrement... Ce n'est plus seulement un monde marchand , puisque une partie de l'économie est tout d'un coup à l'arrêt Oh ce n'est pas la panacée totale et on est loin du compte, mais tout de même, il y a un peu partout de ces instants presque surréalistes qui nous font croire de nouveau que tout est possible, que l'être humain n'est pas totalement foutu et le monde qu'il habite, non plus... Cela n'a pas duré.
Je ne veux pas oublier tous ces instants poétiquement surprenants « produits » ailleurs que dans les cases prévues par nos divertissements. Je n'oublie pas tous ces moments créés tout simplement par notre humanité un peu perdue, déboussolée... dépassée et pourtant se dépassant elle même... Je n'oublie pas que j'ai glané ces moment là en remerciant tous ces écrans nous reliant pour le meilleur et pour le pire... J'en ai gardé l'émerveillement...
le 28 avril 2022 texte comme un écho à ma Sixième lettre (Je suis restée dans ta maison)...